Dix questions sur le nucléaire en Belgique

Publié le par Bambou254



Le Vif - LExpress (Belgique) - 09/10/2009

 

Les trois centrales nucléaires les plus âgées du pays tourneront dix ans de plus. C'est en tout cas le voeu du ministre de l'Energie, Paul Magnette, qui s'appuie sur les conclusions d'experts. Le point en dix questions.


1. Que prévoyait la loi de sortie du nucléaire, votée en 2003 par le gouvernement arc-en-ciel (PS-MR-Ecolo)?

Elle limitait à 40 ans la durée de vie des sept centrales nucléaires, à savoir les quatre de Doel et les trois de Tihange. Les trois réacteurs les plus anciens (Doel 1 et 2 et Tihange 1, qui produisent ensemble environ 1800 MW, soit 30% de la production nucléaire du pays) devaient fermer leurs portes en 2015 et les autres, entre 2022 et 2025. Cette loi ne prévoyait toutefois pas de plan de développement des énergies renouvelables ni de système de contrôle des prix. Son article 9 permettait en outre de retarder la fermeture des centrales au cas où l'approvisionnement en énergie n'aurait pas été garanti. Actuellement, la production d'origine nucléaire représente entre 55 et 60% de l'électricité produite en Belgique.

 

2. Qu'a décidé le gouvernement?

Il n'a pas tranché, à ce jour. Un débat doit encore avoir lieu au Parlement. Mais le ministre socialiste de l'Energie, Paul Magnette, a déjà fait siennes les conclusions du rapport du Gemix, un groupe de huit experts chargés d'élaborer le meilleur scénario possible, en termes environnementaux et économiques, pour garantir l'avenir énergétique du pays. Au besoin en jouant sur divers modes de production d'énergie: le nucléaire, l'éolien, le gaz...

Le Gemix s'est prononcé contre la construction de toute nouvelle centrale, mais suggère de maintenir en activité dix ans de plus les trois plus vieux réacteurs et de prolonger de vingt ans l'existence des autres sites. Sur ce dernier point, le ministre Magnette ne s'est pas prononcé. "On place un débat de société fondamental dans un cadre politique et budgétaire étriqué", déplore-t-on chez Greenpeace.

3. Est-il exact que la Belgique ne disposerait pas, en 2015, d'une production d'énergie non nucléaire suffisante pour pallier la fermeture des anciens réacteurs?

Les réponses divergent selon les interlocuteurs. Pour le Gemix, même en réalisant d'importantes économies d'énergie, ce qui reste l'objectif premier, les projets de substitution sont insuffisants pour garantir l'approvisionnement du pays en énergie en 2015. En outre, il sera, à ce moment-là, moins facile d'importer de l'électricité, la France ayant décidé de réduire ses exportations à cette date.

Ecolo, Inter-Environnement, Greenpeace et la FGTB affirment de leur côté que cet approvisionnement peut être garanti en 2015 sans le nucléaire. "On pourrait au moins encore tenter le coup pendant deux ou trois ans", avance-t-on chez Greenpeace. "Ce qui manque, c'est la volonté politique de créer les conditions pour que des projets alternatifs puissent se réaliser."

L'un des experts du Gemix, l'Allemand Wolfgang Eichhammer, partage cette approche. "Même si beaucoup de temps a été perdu, je suis convaincu qu'il est possible, en cinq à sept ans, de mettre en place une politique de réduction de la consommation en électricité suffisamment ambitieuse pour ouvrir d'autres perspectives d'approvisionnement, comme le gaz", écrit-il en marge du rapport du Gemix. Cette énergie est toutefois plus onéreuse à produire que l'énergie nucléaire. (???)

4. Quelle est la part d'énergie provenant actuellement de sources d'énergies renouvelables, en Belgique?

Alors que 13% de la consommation énergétique belge devraient provenir, d'ici à 2020, d'énergies renouvelables, ce taux ne dépasse pas 4% actuellement.

5. Quelles sont les mesures qui ont été prises depuis le vote de la loi, en 2003, pour organiser et favoriser la production d'énergie non nucléaire?

"Peu de mesures ont été prises", répond le Gemix. Sans compter que, dans ce climat politico-énergétique incertain, les investisseurs ont préféré attendre avant de se lancer dans de coûteux projets.


6. Quel serait l'impact environnemental d'une sortie du nucléaire?

Selon le Bureau du Plan, le retrait du nucléaire coûterait 25 millions de tonnes de CO2. En revanche, la prolongation de la vie des trois plus anciens réacteurs augmentera les déchets nucléaires de 10%. Et le maintien du nucléaire bloque ou freine la nécessaire révolution énergétique.

7. Que rapportera, au groupe GDF-Suez, actionnaire d'Electrabel, la prolongation de la vie de ces trois réacteurs?

D'après Gérard Mestrallet, patron du groupe français, cette prolongation nécessitera des travaux d'entretien et de rafraîchissement qui lui coûteront, à la grosse louche, 800 millions d'euros par an. D'un autre côté, leur maintien en activité rapporterait, en net, environ 1 milliard d'euros entre 2015 et 2025. Selon une étude de la Creg (Commission de régulation de l'électricité et du gaz), le gain serait de 12 milliards si l'ensemble du parc nucléaire voyait sa vie prolongée de dix ans.

8. Le gouvernement compte-t-il faire payer cette prolongation aux producteurs?

Oui. Il réclame une rente, actuellement en négociation, aux électriciens. Celle-ci devrait intégrer l'amortissement accéléré des centrales nucléaires (leur coût global, de 7,5 milliards d'euros, a été amorti en vingt ans au lieu de trente, augmentant d'autant la facture des consommateurs). Du coup, l'énergie nucléaire produite aujourd'hui coûte beaucoup moins cher que d'autres. Selon les calculs de la Banque nationale de Belgique, la différence entre le coût de production de l'électricité nucléaire et le prix du marché représente une marge de 700 millions d'euros.

En 2008, après un long bras de fer, le gouvernement a déjà imposé à Electrabel et à SPE-Luminus le paiement d'une rente de 250 millions d'euros. Après les avoir payés, ces opérateurs ont saisi la Cour constitutionnelle. Pour 2009, la somme à payer est au centre des discussions entre le cabinet Magnette et les opérateurs.

9. A quoi sera affectée cette rente?

Elle devrait servir à réduire les prix de l'électricité pour les consommateurs et les entreprises, à financer des projets de développement d'énergies renouvelables et à soulager le budget de l'Etat. Il reviendra au gouvernement de décider la répartition de l'argent entre ces trois postes. Aux Pays-Bas, lorsque le gouvernement a prolongé la durée de vie d'une centrale, un fonds a été créé pour recueillir la rente et l'affecter au financement des énergies renouvelables.

10. Cette prolongation de vie des réacteurs fait-elle courir des risques à la population en termes de sécurité?

Nul ne le sait, par manque d'expérience. Actuellement, la durée de vie moyenne d'une centrale est de vingt-deux ans et la plus âgée, dans le monde, affiche quarante-trois printemps. C'est la résistance de la cuve qui est au centre de la question: elle ne peut être remplacée, contrairement aux autres pièces d'un réacteur.

 

 

 

Publié dans Actualité Nucléaire

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