Les mesures pour combattre le réchauffement climatique détruisent les peuples indigènes

Publié le par Bambou254



Source : http://www.notre-planete.info/actualites/actu_2192.php


Plantation de palmiers à huile, au Pérou. La plupart des terres utilisées pour cultiver des biocarburants comme l'huile de palme appartiennent aux terres ancestrales des peuples tribaux.Plantation de palmiers à huile, au Pérou. La plupart des terres utilisées pour cultiver des biocarburants comme l'huile de palme appartiennent aux terres ancestrales des peuples tribaux.
© Thomas Quirynen / Survival




Selon un nouveau rapport publié par Survival International, les mesures prises pour faire face au réchauffement de la planète affectent directement les peuples indigènes, pourtant non responsables de ce phénomène.

"Les peuples indigènes sont en première ligne face aux changements climatiques, parce que leurs modes de vie, leurs cultures, leurs vies dépendent largement ou exclusivement de l'environnement naturel, ils sont donc plus vulnérables que n'importe qui d'autre sur Terre." déclare en ouverture le nouveau rapport de Survival International "La plus dérangeante des vérités - Changement climatique et peuples indigènes".

Selon de nombreux rapports, l'impact du changement climatique sur les peuples indigènes est ressenti partout dans le monde : de l'Arctique aux Andes en passant par l'Amazonie, des îles du Pacifique aux côtes du Canada...

Tout aussi important, mais rarement reconnu, est l'impact que les mesures prises pour freiner les effets du changement climatique ont, ou peuvent avoir, sur les peuples indigènes. Ces mesures dites "d'atténuation" violent leurs droits et permettent plus facilement aux gouvernements, aux compagnies et autres de s'approprier, d'exploiter et, dans certains cas, de détruire leur territoire – tout comme cela se produit avec le changement climatique.

Pour ne pas oublier ces victimes "collatérales", ce rapport vient d'être rendu public deux semaines avant la Conférence sur le changement climatique qui aura lieu à Copenhague début décembre. Rappelons que l'objectif de la Conférence, organisée par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), est de trouver un accord sur les manières de combattre le changement climatique à l'heure où l'accord actuel, le protocole de Kyoto, arrivera à son terme en 2012.

Quatre "mesures d'atténuation" touchent directement les peuples indigènes
Les agrocarburants

Promus comme une alternative "écologique" à l'énergie fossile, la plupart des agrocarburants (anciennement biocarburants) sont produits sur les territoires ancestraux de peuples indigènes, selon le rapport de Survival International. Si la production d'agrocarburants s'intensifie comme prévu pour diminuer les émissions de CO2 et répondre à la déplétion des réserves de combustibles fossiles, des millions d'autochtones du monde entier perdront leurs terres et leurs modes de vie.

Parmi toutes les victimes de cette frénésie sur les agrocarburants, l'un des peuples les plus affectés sont les Guarani du Brésil, rapporte le rapport : "Au cours des six dernières années, au moins quatre-vingts enfants sont morts de faim. Autrefois gardiens de 350 000 kilomètres carrés dans l'Etat du Mato Grosso do Sul, de nombreux Guarani se retrouvent aujourd'hui à camper au bord des routes ou sur de petites parcelles cernées par les plantations." "Les grandes plantations de canne à sucre occupent désormais notre territoire. La canne à sucre pollue nos rivières et tue nos poissons. [Elles sont responsables de l'augmentation] du suicide parmi les jeunes, de l'alcoolisme et des homicides" a déclaré le leader guarani Amilton Lopez durant son séjour en Europe l'an dernier.

L'énergie hydroélectrique

Le formidable essor des énergies renouvelables dans le monde a insufflé la construction de nouveaux grands barrages hydroélectriques, pour lutter contre les émissions des combustibles fossiles. Cependant, l'édification de barrages détruit des territoires indigènes et chasse des peuples de leurs territoires en plus d'occasionner des dégâts locaux considérables et irréversibles sur la nature.

"A Bornéo, le gouvernement malaisien a présenté la construction de l'énorme barrage de Bakun comme une source 'd'énergie verte' participant à l'effort national pour stopper le réchauffement global. Le barrage qui devrait être terminé l'année prochaine inondera 700 km2 de terres alentour." Mais le barrage a provoqué le déplacement de 10 000 autochtones désoeuvrés et sans repères, dont nombre de membres de la tribu Penan. Les Penan, des chasseurs-cueilleurs semi-nomades, sont maintenant confinés dans de minuscules parcelles de forêt dont certaines sont marécageuses et peu propices à la chasse et à la cueillette nécessaires à leur subsistance, souligne le rapport. "Dans nos anciens lieux de vie, nous pouvions facilement trouver de quoi manger, mais la vie ici est très dure", a récemment déclaré Deling, l'un des Penan qui ont été déplacés par le barrage de Bakun, à un membre de Survival.

Construction d'un nouveau barrage dans la forêt amazonienne au Brésil
© Survival

La sanctuarisation de la forêt

Un exemple montre que la protection des forêts mérite aussi qu'on prenne en compte des communautés qui en vivent sans les menacer. C'est le cas au Kenya où un appel international a été lancé par le Premier ministre, Raila Odinga, pour sauver la forêt de Mau. Des années de colonisation sauvage ont détruit la plus grande partie de la forêt, une source d'eau vitale pour des millions de Kenyans.
Pour protéger la forêt, le gouvernement projette d'expulser tous ses habitants sans exception, dont les milliers de chasseurs-cueilleurs Ogiek qui vivent durablement de la forêt depuis des centaines d'années.
Ainsi, le Kenya a fait part de son intention de planter 7,6 milliards d'arbres dont une partie est destinée à la forêt de Mau. Le carbone contenu dans ces arbres pourrait devenir un atout financier très intéressant sur le marché du carbone – pendant ce temps, les Ogiek, habitants ancestraux de ces forêts, deviendraient des sans-abri. "Depuis un mois, tout le monde vit dans la peur. C'est très grave. Les Ogiek n'ont nulle part ailleurs où aller. Les gens sont désespérés. Le gouvernement a dit que cette expulsion n'épargnerait personne", a déclaré Kiplangat Cheruyot, du Programme de développement du peuple ogiek. Heureusement, fin octobre 2009, certains rapports laissaient penser que, face aux condamnations internationales de tous bords, le gouvernement serait prêt à renoncer à expulser les Ogiek.

La compensation carbone

Les efforts pour stopper la déforestation ont conduit à l'établissement d'un mécanisme pour réduire les émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts (plus communément appelé REDD, acronyme anglais pour Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation). Ce mécanisme en cours de discussion à la CCNUCC serait une percée dans la lutte contre le changement climatique et représenterait un des domaines où les plus grands progrès sont attendus lors de la conférence de Copenhague.
Le principe de base de REDD est d'encourager les pays en voie de développement à protéger leurs forêts grâce aux financements des pays riches. Une des manières de faire consisterait à générer un crédit carbone provenant du carbone contenu dans ces forêts et que ces pays riches achèteraient pour compenser leur déficit carbone.

Toutefois, les peuples indigènes n'ont pas cessé de faire part de leur inquiétude à propos du REDD car ce mécanisme pourrait donner une énorme valeur financière à leurs forêts et provoquer une main-mise sur leurs terres. En effet, le rapport note que la majeure partie des forêts mondiales éligibles pour être inclues dans des mécanismes REDD sont des territoires indigènes traditionnels.
Et, selon des rapports, de nombreux peuples indigènes ont déjà eu à souffrir de projets de compensation carbone sur leur territoire. Ces projets 'volontaires', réalisés hors-CCNUCC, ont donné lieu à des expulsions de terres ancestrales, à la destruction de villages et de ressources, à de violents conflits, à des persécutions, à des blessés et des morts... "Si ne sont pas prises en compte la pleine reconnaissance et la protection totale des droits des peuples indigènes, incluant les droits aux ressources, à la terre et aux territoires ainsi que la reconnaissance et le respect de notre droit au consentement préalable, libre et informé, nous nous opposerons au REDD", a déclaré le Forum international des peuples indigènes sur le changement climatique (FIPICC) en septembre 2009.

Prendre en compte les droits des peuples indigènes

Au final, le rapport de Survival International recommande que "les peuples indigènes soient pleinement inclus dans toutes décisions les concernant et que leurs droits territoriaux soient dûment respectés et garantis." Ce qui semble être un minimum...

A ce titre, Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré : "Ce rapport met en lumière 'la plus dérangeante des vérités' — il révèle que les peuples indigènes qui sont les moins responsables du changement climatique sont les plus affectés par celui-ci et que leurs droits sont violés et leurs terres dévastées au nom des mesures prises le stopper. S'abritant derrière l'effort planétaire pour stopper les effets du changement climatique, les gouvernements et les compagnies sont en train de planifier un gigantesque vol de terres. Et comme d'habitude, lorsqu'il y a des enjeux financiers et de juteux profits en perspective, les peuples indigènes n'ont pas voix au chapitre".

Une fois de plus, notre mode de vie irresponsable et inconscient affecte le devenir de communautés qui n'ont aucune responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre.
Et ces rejets continuent d'augmenter à cause, notamment, de la récente contribution des émissions des pays en développement. Mais ne nous y trompons pas, près d'un quart de l'augmentation des émissions provenant des pays en développement est due à la production de biens et services destinés aux pays développés, un taux qui s'élève à 50 % dans le cas de la Chine...

Pour compenser ces émissions, nous inventons des mécanismes de compensation qui peuvent être désastreux, non seulement pour les peuples indigènes mais aussi pour l'environnement. Alors que la solution réside plus que jamais dans la réduction drastique des émissions, directement à la source. Mais cela signifie qu'il faut rompre clairement avec notre modèle de société productiviste et consumériste : un programme qui va à l'encontre d'intérêts assis confortablement sur le développement durable...

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Auteur
Christophe Magdelaine - notre-planete.info (tous droits réservés)






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